Ultra trail , encore ...
Pour la troisième fois , je me retrouve ici, pour courir un ultra trail !! Et Chamonix est devenue La Mecque mondiale de l'ultra endurance. Il y a seulement 7 ou 8 ans , l'UTMB n'etait pour moi même pas un rêve , juste un truc inaccessible . Mais cela m'intriguait ... beaucoup...
Toujours impressionnant le Mont Blanc vu de l'autoroute avant l'arrivée à Chamonix
Et puis , j'ai couru en mai 2012 l'Euskal raid , 2 fois 50 kms ( Merci Jean Phi de m'avoir forcé à m'inscrire !) . Et j'ai adoré , le deuxième jour , sous l'orage et le déluge, cette fin de course ou je vivais un truc hors norme. Alors j'ai enchainé avec le GRP80 en 2013 ( un peu plus de 18h pour 80 kms et 5000 m de D+ : le pied ! ) , Et en 2014 , j'ai franchi le cap des 100 kms , en courant , encore sous le gros mauvais temps , le GRP 120 et ses presque 7000 m de D+ : j'ai fini vidé , mais tellement heureux ! Alors , quand en janvier 2015 , j'ai reçu le mail de l'UTMB m'annonçant que j'étais tiré au sort , il a fallu que je me rende à l'évidence ; le "même pas en rêve" devenait réalité . Les 8 mois de préparation qui ont suivi , je les ai bien vécus, pas un seul jour sans penser au moins un moment à l'épreuve qui m'attendait . Et j'ai avalé les 171 kms et les 10 000 m de D+; en 2016 , ce fut le trail de Bourbon à la Réunion , 111 kms , puis j'ai voulu conclure ma courte carrière d'ultra trailer en refaisant en 2017 l'UTMB , ayant bénéficié une nouvelle fois d'un tirage au sort favorable. Et ce fut un bel échec , car j'ai négligé de bosser le mental , la base et l'élement indispensable à une fin heureuse. Au bout de seulement 3 ultra XL, j'etais tombé dans la "routine" ; J'ai donc décidé de pousser une année de plus et me suis fixé de réaliser en 2018 , deux ultra ; Ce serait l'ultra Aubrac en avril et la TDS fin aout. J'ai fini l'Aubrac sans trop de problèmes; et donc il me restait 5 mois pour me consacrer à preparer la TDS , course réputée difficile , avec un gros niveau de concurence ( elle fait , comme l'UTMB , partie du world tour , avec des coureurs venant de presque 100 pays différents ), et donc des barrières horaires assez serrées.
Grosse différence cette année , nous sommes deux à la préparer , Laurent ( qui vise le Graal de l'UTMB en 2019 ) , s'est joint à moi.
la photo souvenir à la remise des dossards
mardi après-midi à Cham , les rochelais en vacances !
Chamonix
veille de course , préparation des sacs ( course et allègement )
8h , le départ est donné , nous sommes plutôt en fin de peloton , mais pas non plus au dernier rang ; la première montée de 1300 m de D+ jusqu'à l'arête du Mont Fabre se passe tranquille , ça bouchonne un peu , donc on ne laisse pas trop de jus , et nous profitons de ce rythme pépère pour admirer le paysage de ce Val Veni que je commence à connaitre puisque déjà traversé deux fois ( en sens inverse ) sur l'UTMB en 2015 et 2017 .
Montée à l'arête du Mont Favre , Val Veni, avec vue sur le massif du Mont Blanc . Ici ,à droite , la noire de Peuterey
en montant au col Chavannes

Le lac Verney, au pied du col du Petit St Bernard
Le temps s'est amélioré , et nous pouvons nous ravitailler et nous reposer quelques minutes. On enchaine alors avec une longue et roulante descente de 15kms et 1400 m de D- vers Bourg Saint Maurice ( km 51 ) que nous atteignons après 9h14 de course , soit en avance de près de 45 minutes sur mon estimation .
Tout va bien jusqu'à présent , notre assistance de choc nous facilite la tâche et nous permet de profiter de quelques minutes de repos . La première partie de course , la plus facile , est achevée. Il est temps de passer aux choses sérieuses , avec la grosse montée suivante vers le cormet de Roselend , la tombée de la nuit ,et la distance qui va certainement commencer à noustirer sur la couenne . La sortie de Bourg par des petits chemins est super raide , et l'un comme l'autre commençons par avoir des difficultés à digérer notre ravitaillement. Laurent , plus que moi , subit cette montée au début , puis nous fait une petite chute en contrebas d'une sente bien grasse après les violentes pluies de l'après midi . Pas de bobos , mais nous devons rester très vigilants sous l'éclairage des frontales sur ces chemins glissants. La montée au col est in-ter-mi-nable , en partie sur la route goudronnée , et nous arrivons au ravitaillement après plus de 4 heures de montée ( km 71, 4200 m de D+ ) .Il est 23h , la nuit est noire , une pluie fine et le brouillard nous plongent dans le halo flouté de nos frontales . Nous sommes vidés l'un comme l'autre , il nous est totalement impossible de manger , je crève d'envie de dormir. Nous restons beaucoup trop longtemps à ce ravito ( 1h !! ) , juste pour se reposer un peu , enfiler des vêtements secs , faire le plein d'eau ; Je suis prêt à repartir , j'attends un peu Lolo qui fignole sa tenue pour la nuit à venir , puis nous repartons ensemble vers le col de la Sauce . La progression est relativement lente , nous sommes dans le dur. On enchaine par une descente " à l'aveugle"( brouillard, pluie fine,vent ) de 700m de D- ; cette zone entre le km 67 et le km 87 est une succession de montées et descentes dans un environnement sauvage , sous une nuit sans lune , du brouillard , du vent sur les cols , et un terrain soit très gras , soit carrément aquatique , ruisseaux qui débordent , prairies gorgées d'eau , zones marécageuses. De jour et par beau temps , ça doit être magnifique ! A un point bas ( la Gittaz km 76), nous trouvons une grange et un préau ou nous nous arretons quelques instants pour récupérer. Laurent qui a très froid repart vite , moi je reste un peu plus et redémarre quelques minutes plus tard. Je m'accroche à un petit groupe , suit sans problème , et dès que je peux double quelques coureurs ; imperceptiblement , mon état physique s'améliore , je finis la montée avec une jeune traileuse avec qui je discute très sympatiquement , et ensemble nous revenons sur Lolo. Je continue avec Julie ( ma petite copine traileuse de 35 ans de moins que moi) , et la tête dans ma capuche , je ne vois pas que derrière Laurent décroche. Arrivé au sommet ( col de la Gitte 2315 m ) , je laisse la petite jeune partir , et me pose sur un caillou pour attendre Lolo. Mais ça caille vraiment , alors je décide de commencer à descendre prudemment ( ça patine grave) en espérant qu'il me rattrape vite . Mais pas de Laurent qui revient cette fois . Je me sens plutôt bien , et sans attaquer , je commence à jouer à PacMan et rattrape de petits groupes , puis double dès que l'occasion se présente . Je commence à planer au dessus de mes chaussures , je rentre dans cet état que j'ai déjà ressenti où plus aucune douleur n'existe , où la concentration est naturelle , où mes pieds pensent seuls à l'endroit où il doivent se poser pour éviter les chutes , où je n'ai plus besoin de visualiser mes images ressources, où plus aucune pensée négative n'arrive ; je n'ai plus froid , je n'ai plus soif , je n'ai pas faim , je marche , je croque le chemin , j'avance dans une sérénité totale , je suis d'une confiance incroyable et j'arrive au ravitaillement du col de Joly, dans un brouillard à couper au couteau . Il est 5h du matin , je fais le job , me ravitaille ( très peu mais je recommence à pouvoir grignoter des bricoles) , surveille l'entrée de la tente en espérant voir arriver Laurent, puis repart seul dans la descente, en trottinant ... Non seulement je double du monde , mais je mets un vent à la plupart des coureurs que je dépasse ! Je suis tellement dans ma course , que je ne m'aperçois pas du jour qui se lève , je quitte mes gros gants , mon bonnet , ma veste goretex car la température remonte vite à mesure que je me rapproche de la vallée ; j'arrive maintenant en zone connue : nous retrouvons à Nant Borrand le chemin de l'UTMB ( toujours en sens inverse) ; après Notre Dame de la Gorge , je sais qu'il y a 4 kms de plat , et je relance pour courir le plus possible tout en me préservant les muscles . Je suis aux Contamines , au km 99.9,il est 7h 10. Cathy et Laurence sont là ( leur nuit a été courte ! ) La très bonne idée vient d'elles : elles ont acheté des viennoiseries , alors je zappe le ravito , sa soupe aux vermicelles et ses Tuc pour me faire un café/croissant qui me fait un bien fou . Je plaisante avec les bénévoles , petite bise à Cathy , et je me lance dans la montée vers les chalets de Miage et le col du Tricot. Cathy m'a donné mon classement ( 1034 eme au col du Joly ), alors je commence à calculer que je vais rentrer dans les mille premiers , je calcule aussi mon heure d'arrivée et me rends compte que , si tout continue à aller bien , je vais me claquer un temps sous la barre des 30 heures . J'essaye de chasser ces calculs un peu cons , et me force à ne penser qu'à mon rythme de marche , préserver mes quadriceps , boire . La montée est régulière , je tente la marche afghane en utilisant au maxi les batons . Je double encore du monde . La fin de la grimpette au col du tricot est raide ; je me fais passer par deux jeunes ( que je ne reverrai pas ) puis par un couple d'espagnols ( que je vais reprendre rapidement dans la descente ) . Arrivé au col , je me remets à calculer et imagine que les 30 heures sont dans la poche. De nouveau je chasse cette idée pour me concentrer à ne surtout pas tomber dans la descente , mais je prends quand même quelques risques , c'est trop bon de pouvoir "envoyer" encore après 110 kms ! Je finis aux Houches en courant sur les derniers lacets bitumés. Les cloches sonnent , il est midi ... soit 28h de course !! Maintenant , j'ai la banane , je sais qu'il n'y a plus de danger de craquer ou de tomber , juste 8 kms d'une alternance de faux plats montants et descendants pour rallier Cham' . Je décide donc de profiter et je ne relance presque plus , je ne suis même plus pressé de finir , je fais de la marche rapide , c'est tout. J'attends vraiment les derniers 500 m pour recommencer à courir , traverser les rue pietonnes de Cham' ou les applaudissement fusent des terrasses des bistrots , sur lesquelles s'entasse un monde fou , composé en grande majorité des coureurs de l'UTMB et CCC dont le départ est le lendemain. Ca applaudit pas mal , je souris et remercie tous ces gens qui savent ce que c'est que de finir un ultra. Je prends ça comme une belle reconnaissance de l' effort accompli ; Bientôt le dernier virage , Cathy court et filme et je passe d'un bord à l'autre des balustrades pour taper dans les dizaines de mains qui se tendent pour saluer les finishers. 29h20 , 866 eme , objectif premier ( finir) atteint , objectifs accessoires ( dans les mille et moins de 30h) atteint !! Whaouh , c'est bon !!
Sur la ligne d'arrivée : emotion garantie !
finish line ! C'est bon , t'as les points Lolo !!
On me remet la veste finisher , et je fonce à la douche , puis avale une petite salade crudités ( pas envie d'autre chose) et nous nous dirigeons vers la ligne pour accueillir Lolo , qui a souffert mais qui réalise une belle fin de course qu'il boucle en 31h .
et la photo finishers !!!
Bon , j'ai promis que c'était le dernier ultra XL . Evidemment , quand on finit aussi bien , on pense qu' on peut en faire encore pas mal , mais on oublie toute la dure préparation ,les entrainements ,la muscu , les jours où on se force à courir pour maintenir le niveau , le régime alimentaire relativement strict, les apéros au jus de fruit et sans cacahuetes ! Je vais bien sûr continuer à courir , à surveiller mon poids , à me préparer encore sérieusement pour de nouvelles échéances , mais je vais plutôt me limiter à des trails en deça des 80 kms , des courses d'un jour, disons de 30 à 80 kms ; je trouve que c'est déjà pas mal , et il y a tellement de choix que j'espère pouvoir aussi découvrir d'autres paysages, d'autres montagnes, d'autres ambiances ...
https://www.youtube.com/watch?v=UC0sMO0oUo8











